La Chartreuse de Parme by Stendhal

La Chartreuse de Parme by Stendhal

Auteur:Stendhal [Stendhal]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2015-04-17T00:29:35+00:00


CHAPITRE XV

Deux heures plus tard, le pauvre Fabrice, garni de menottes et attaché par une longue chaîne à la sediola même dans laquelle on l’avait fait monter, partait pour la citadelle de Parme, escorté par huit gendarmes. Ceux-ci avaient l’ordre d’emmener avec eux tous les gendarmes stationnés dans les villages que le cortège devait traverser ; le podestat lui-même suivait ce prisonnier d’importance. Sur les sept heures après midi, la sediola, escortée par tous les gamins de Parme et par trente gendarmes, traversa la belle promenade, passa devant le petit palais qu’habitait la Fausta quelques mois auparavant et enfin se présenta à la porte extérieure de la citadelle à l’instant où le général Fabio Conti et sa fille allaient sortir. La voiture du gouverneur s’arrêta avant d’arriver au pont-levis pour laisser entrer la sediola à laquelle Fabrice était attaché ; le général cria aussitôt que l’on fermât les portes de la citadelle, et se hâta de descendre au bureau d’entrée pour voir un peu ce dont il s’agissait ; il ne fut pas peu surpris quand il reconnut le prisonnier, lequel était devenu tout raide, attaché à sa sediola pendant une aussi longue route ; quatre gendarmes l’avaient enlevé et le portaient au bureau d’écrou. J’ai donc en mon pouvoir, se dit le vaniteux gouverneur, ce fameux Fabrice del Dongo, dont on dirait que depuis près d’un an la haute société de Parme a juré de s’occuper exclusivement !

Vingt fois le général l’avait rencontré à la cour, chez la duchesse et ailleurs ; mais il se garda bien de témoigner qu’il le connaissait ; il eût craint de se compromettre.

– Que l’on dresse, cria-t-il au commis de la prison, un procès-verbal fort circonstancié de la remise qui m’est faite du prisonnier par le digne podestat de Castelnovo.

Barbone, le commis, personnage terrible par le volume de sa barbe et sa tournure martiale, prit un air plus important que de coutume, on eût dit un geôlier allemand. Croyant savoir que c’était surtout la duchesse Sanseverina qui avait empêché son maître, le gouverneur, de devenir ministre de la guerre, il fut d’une insolence plus qu’ordinaire envers le prisonnier ; il lui adressait la parole en l’appelant “voi”, ce qui est en Italie la façon de parler aux domestiques.

– Je suis prélat de la sainte Eglise romaine, lui dit Fabrice avec fermeté, et grand vicaire de ce diocèse ; ma naissance seule me donne droit aux égards.

– Je n’en sais rien ! répliqua le commis avec impertinence ; prouvez vos assertions en exhibant les brevets qui vous donnent droit à ces titres fort respectables.

Fabrice n’avait point de brevets et ne répondit pas. Le général Fabio Conti, debout à côté de son commis, le regardait écrire sans lever les yeux sur le prisonnier afin de n’être pas obligé de dire qu’il était réellement Fabrice del Dongo.

Tout à coup Clélia Conti, qui attendait en voiture, entendit un tapage effroyable dans le corps de garde. Le commis Barbone faisant une description insolente et fort longue de la



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